Le quartier de Bonneterre, appelé aussi Les Bonnetières ou La Bonnetière, avant qu’il ne soit traversé par de multiples rues et voies, était délimité jusqu’aux découpages successifs, par :
Une étude menée sur un ensemble de cartes géographiques de Villeurbanne datées de 1862 à 1930, montre cependant que Bonneterre, sous ses variantes linguistiques, a pu aussi géographiquement varier. Deux cartes de 1862 et 1891, parlent de « Les Bonnetières » et « Les petites Bonnetières » pour la partie sud du Parc. La carte de 1862 mentionne aussi « La Bonnetière » dans la partie nord-ouest de la Place Napoléon de l’époque, plus tard place de la Cité et actuelle place du Totem. Des plans de 1894 mentionnent le terme « La Bonnetière », dans une acceptation géographique qui se réduit de plus en plus par rapport aux années précédentes. En 1910 on retrouve encore l'appellation : « La terre de Bonnetière (Bonneterre ou Bonneterie) » pour désigner un ensemble se réduisant toujours plus. Seule l’Avenue du Parc-de-Bonneterre devenue Avenue Auguste Blanqui par délibération du 12 décembre 1924, rappelle encore de manière significative cette date le nom du lieu.
Un quartier trait-d’unionA la fin du XIXe siècle, Villeurbanne se découpe en deux grandes parties, avec des sociologies qui leurs sont propres. Une partie nord, occupée en premier lieu par le camp militaire de la Doua, plus ouvrière, avec une présence importante d’usines. Et un sud plus agricole mais aussi et surtout plus bourgeois. L'Hôtel de Ville, à cette époque, qui est situé place des Plâtres (Place Grand-Clément actuellement) fait partie de la zone sud. Cet état de fait, entre un sud agricole ou bourgeois et un nord ouvrier, ne manque pas de créer des tensions jusqu’au sein de l’équipe municipale. Les différents conseils municipaux de cette époque envisagent le transfert de la mairie, tant pour tenter de rééquilibrer les relations nord et sud de Villeurbanne, que pour gérer une population sans cesse grandissante. En effet, en 1881, la commune compte presque 12 000 habitants, cette population a plus que doublé quinze ans plus tard en 1896. L’emplacement de la Mairie est à cette époque sur la Route de Crémieux en bordure de la place de la Mairie (actuelle Place Grandclément), dans un bâtiment qui n’a d’ailleurs pas été conçu comme devant être le siège de la municipalité.
L’hippodrome et le projet de construction de la MairieLe quartier accueille « en 1885 [...] l’hippodrome de Bonneterre [créé] par MM. Prat, Clémenso et Faurax », celui-ci a vocation à proposer des courses hippiques en complément de l’hippodrome de la Doua. Les militaires présents quelques années auparavant, par le biais d’une caserne louée à un privé, trouvent leur intérêt dans cet hippodrome qui se destine à « devenir le Vincennes de Lyon ». Un militaire, le général Jean Arthur Lenfumé de Lignières, qui commande la 6e division de cavalerie de Lyon de 1871 jusqu’à sa mort en 1897 « perçoit tous les services que pareil hippodrome peut rendre à l’équitation militaire ». L’officier souhaite créer à terme « des courses de sous-officiers ». Ce type de courses permettrait d’allier entraînement à l’équitation avec une ouverture relative de cette discipline à un nombre plus élevé de personnes, en dehors des seuls officiers de l’armée. Ce projet ne verra pas vraiment le jour. Le Comité de gestion de l’hippodrome décide que « le bail, passé avec les propriétaires du parc de Bonneterre, ne sera pas renouvelé à son expiration » La fermeture définitive de l’hippodrome est effective le 29 mai 1893. Ce jour-là est venu spécialement du fort Lamothe un détachement et sa fanfare à savoir celle du « 98e de ligne [qui fait] retentir la marche funèbre » dans tout le quartier, accompagné par plusieurs centaines de personnes. La Société Immobilière de Bonneterre, gérée par Charles MONTALAND (1871-1946) fait un certain nombre de propositions à la municipalité de Villeurbanne pour que celle-ci construise sa nouvelle mairie au centre du Parc de Bonneterre entre 1896 et 1900. A cette époque, seule la partie sud en bordure du cours Lafayette (devenue cours Tolstoï en 1928) est construite. La société propose la construction d’une voie qui correspond à l’actuelle l’Avenue Auguste Blanqui. La partie nord aurait dû s'étendre de l'emplacement de l’actuel Bistrot Le Filanthrope jusqu’à la rue du 4 Août. Le projet prévoit à cette époque que le terrain sera cédé pour la construction d’une place avec en son centre la nouvelle Mairie de Villeurbanne. Les travaux de construction des édifices et de voiries devaient être à la charge de la municipalité de Villeurbanne. Seule la partie sud avec un prolongement de l’avenue jusqu’au Cours Tolstoï, de moindre longueur serait à charge de la société immobilière, directement. L’objectif pour la Société Immobilière de Bonneterre est de réaliser une belle plus-value par la construction, la vente ou la location d’immeubles dans un quartier qui devrait accueillir le futur Hôtel de Ville de Villeurbanne. La seule avenue du Parc-de-Bonneterre sera construite en reprenant une partie du tracé du projet mais sans la mairie, ni la place. La Rue Charles Montaland a son nom attesté sur un plan daté de 1902, toujours dans le quartier Bonneterre porte ce nom en hommage au président du Conseil d’Administration de la Société de Bonneterre. Contrairement à une idée reçue, la rue de Villeurbanne n’est pas appelée ainsi d’après, l’homonyme, professeur de composition au Conservatoire de Lyon né en 1910 et décédé en 1987.
Un quartier, entre logements ouvriers et industriesLors des cessions de divers terrains et voies à Montchat dans la deuxième moitié du XIXe siècle « Mme Richard-Vitton [insère] une clause dans ses ventes qui [empêche] le développement industriel de Montchat. » Cela entraînera entre autres le développement industriel du quartier de Bonneterre. Le quartier demeure indissociable de la famille Gillet et de ses usines qui fait édifié les deux premières sont dès « 1887, sur un terrain de plus de neuf hectare situé dans le quartier de Bonneterre ». En 1890, ce même industriel « installe à Villeurbanne les bâtiments industriels d’une teinturerie sur plus de huit hectares, le long du chemin Sautin ». Ce lancement des usines Gillet inscrit le quartier dans une identité ouvrière. Que l’annulation du projet de nouvelle mairie dans le quartier autant pour des raisons de coûts que de ravivement des tensions entre nord et sud de la commune ne fera qu’amplifier. Le conseil municipal clos le dossier Bonneterre en 1900, enterrant définitivement le projet de Mairie dans le quartier. En 1903, un projet plus modeste de nouvelle Mairie aboutira cette fois-ci, à proximité de la place Grand-Clément, dans un bâtiment qui deviendra la Poste actuelle. Cette mairie apparaît à nouveau trop exiguë et en 1934 une nouvelle est inaugurée au Gratte-Ciel. Le quartier de Bonneterre entre-temps s’est urbanisé et industrialisé encore plus. En 1886, est créée la Société des Logements économiques, avec l’architecte Félix Mangini. En 1893, cette même société décide la construction d’un ensemble de « sept immeubles collectifs [...] sur quatre niveaux, avec quatre-vingt jardinets en pied d’immeuble. Ces logements sont d’abord attribués aux « meilleurs ouvriers », essentiellement des ouvriers qualifiés (apprêteurs, teinturiers, coloristes…). », situé rue Camille Koechlin. Une carte de 1902 mentionne pour la première fois la Rue de Bonneterre, ainsi que l’impasse de Bonneterre. En 1910, sur une autre carte, la Rue de Bonneterre est devenue Avenue du Parc de Bonneterre, dans le même temps l’Impasse de Bonneterre est devenue Rue de Bonneterre par sa prolongation au nord avec la Rue du Sud, actuelle Cours Docteur Jean Damidot. « En 1929, le groupe Gillet, [...] réalise les 125 logements du groupe Bonneterre. » Ces logements sont situés entre la Rue Persoz et le Cours Damidot actuel. L’architecture de ce groupe de trois bâtiments en triangle et ceux inaugurés en 1896, rue Camille Koechlin sont de style architectural comparable. A la différence notable que les logements de la Rue Persoz et Cours Damidot, comptent un étage de plus. On peut voir que la « sobre élégance », chère à Mangini, architecte des logements de la rue Camille Koechlin, est respectée. Les deux groupes de logements distant de quelques dizaines de mètres seront toujours appelés par les Villeurbannais : « maisons Gillet » qu’il conviendrait d’appeler plutôt « style Mangini ». En revanche, les immeubles produits à l’initiative patronale sont plus importants. On peut ranger dans cette catégorie les 12 immeubles construits par la Société Gillet avant 1932, Rue Persoz et Cours Damidot, qui représentent 125 logements[...]. On citera l’immeuble au croisement de la Rue Persoz et de la Rue du 1er Mars 1943, qui a un aspect ornemental similaire à celui des immeubles du groupe Bonneterre. Cependant aucune source ne peut affirmer ni infirmer que le groupe Gillet ait pu être à l’origine de la construction de ceux-ci. Il est cependant intéressant de préciser que ceux-ci se trouvent dans l'immédiateté de l’ancienne usine Gillet de la Perralière en bordure du quartier de Bonneterre, dans le rayon des « 15 minutes à pied de l’usine », significatif de l’influence Mangini, soutenu par Gillet. Ces habitats ouvriers n’ont rien de révolutionnaire dans leur conception. Ce qui convient d’appeler la « doctrine Mangini » est appliquée en premier lieu en matière de financement plus qu’à celui de la construction en elle-même. « [La] forme de ces bâtiments est avant tout fonctionnelle. Ils sont jugés confortables et modernes pour l’époque, grâce aux équipements proposés : toilettes individuelles dans chaque logement, accès à l’eau et à l’électricité. » Toujours dans cette optique les constructions suivent des « plans très simples, [...] des éléments de décoration modestes, reprenant des canons d’architecture classique, en imitation d’une architecture bourgeoise, avec quelques éléments « art déco » » Le tout s’inscrivant dans ce qui peut être convenu d'appeler un style architectural lyonnais voire villeurbannais. Actuellement, une petite rue Bonneterre et un stade de foot appelé parc Bonneterre, ainsi qu’une salle de la MJC au 46 Cours Docteur Jean Damidot, situés dans la zone sud-est du quartier, reprennent le nom. Au nord du quartier, un club sportif reprend le nom de Bonneterre, et ,de manière plus anecdotique, un transformateur EDF reprend le nom de Bonneterre, dans le quartier.